15.000… c’est le nombre de personnes transgenres estimé en France par l’association Objectif Respect Trans. Le 31 mars 2021 avait lieu la 12ème édition de la journée internationale de visibilité transgenre. En 2020, 350 personnes transgenres ont été assassinées dans le monde (https://transrespect.org/en/tmm-update-tdor-2020/). Communauté souvent stigmatisée et victime d’une forte précarité en France, il est important aujourd’hui de s’interroger sur l’évolution des droits de cette communauté et des protections qui lui sont accordés.
Qui plus est, la transidentité n’est pas qu’une affaire d’adultes. En effet, Lilie, 8 ans, une jeune fille dans un corps de garçon a récemment fait une demande de changement de sexe, avec le soutien de ses parents. Cette demande a été rejetée par le Procureur. Selon ce procureur, pour obtenir le changement de prénom, les parents de Lilie doivent prouver que leur enfant a entamé une modification irréversible de son corps de garçon en fille (https://rmc.bfmtv.com/emission/information-rmc-l-etat-civil-refuse-le-changement-de-prenom-de-lilie-8-ans-enfant-transgenre-2037409.html). Alors quels sont les droits des personnes transgenres ?
Qu’est-ce qu’une personne transgenre ?
Une personne transgenre (ou personne trans) est une personne dont le genre ne correspond pas au genre qui lui a été assigné à la naissance en fonction de son sexe biologique. Les personnes trans peuvent décider d’effectuer différentes formes de transitions, physiques ou pas, pour rejoindre leur point de confort, c’est-à-dire l’expression, la manière de vivre l’identité de genre qui leur correspond le plus.
Quelles sont les évolutions législatives relatives à la considération des personnes transgenres ?
Jusqu’en 2010, une personne trans était considérée comme une personne atteinte d’une maladie mentale appelée « transsexualisme ». Il faudra attendre le décret n° 2010-125 du 8 février 2010 pour que le transsexualisme soit retiré des maladies mentales du Code de la santé publique.
A noter : le terme « transsexuel-le » n’est plus utilisé. Il convient donc d’employer le terme trans ou transgenre lorsque l’on se réfère à une personne trans.
La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 dite loi de modernisation de la justice du XXIème siècle portait la déjudiciarisation du changement de prénom. En d’autres termes, une personne trans n’a plus à passer devant un juge pour obtenir un changement de prénom, celui-ci se faisant maintenant devant l’officier d’Etat Civil et ne constitue plus qu’une démarche administrative.
A noter : avant cette loi, le juge demandait, pour le changement de prénom, un certificat psychiatrique, et parfois, une stérilisation préalable.
Cette même loi est venue rallonger la liste des discriminations sanctionnées pénalement en y ajoutant les discriminations liées à l’identité de genre. Cet ainsi qu’est née la première, et seule, protection des personnes trans face aux différentes discriminations qu’elles subissent, notamment dans le travail ou encore dans les administrations.
Comment changer la mention du sexe sur vos papiers d’identités ?
L’article 61-5 du Code civil prévoit que « toute personne majeure ou mineure émancipée qui démontre par une réunion suffisante de faits que la mention relative à son sexe dans les actes de l’état civil ne correspond pas à celui dans lequel elle se présente et dans lequel elle est connue peut en obtenir la modification ».
Il faut savoir que la preuve peut être apportée par tout moyen. Les arguments suivants peuvent être utilisés :
- La personne se présente publiquement comme appartenant au sexe revendiqué (discussion, habits, présentation, etc.) ;
- La personne est connue sous le sexe revendiqué par son entourage familial, amical ou professionnel ;
- La personne a obtenu le changement de son prénom et souhaite que le sexe revendiqué corresponde à ce prénom.
Cette procédure a lieu devant le tribunal judiciaire du domicile ou de la commune où est conservé votre acte de naissance.
Si vous êtes réfugié ou apatride, le tribunal judiciaire de Paris est compétent.
En principe, la loi ne demande pas que vous justifiiez avoir subi des traitements médicaux, une opération chirurgicale ou une stérilisation. Cette absence d’intervention médicale ou chirurgicale ne peut justifier un refus de changement de sexe.
La demande est formulée par requête remise au greffe du tribunal. Vous devrez en profiter pour préciser si vous sollicitez aussi un changement de prénom. Dans ce cas, le tribunal en profitera pour statuer également à ce sujet. Cette procédure dérogera à la procédure habituelle de changement de prénom.
Comment changer de prénom à l’état civil ?
La procédure de changement de prénom répond à la procédure classique. Nous vous renvoyons à l’article : https://www.dismoimondroit.fr/la-procedure-du-changement-de-prenom/ qui y était destiné. Ici le motif invoqué devra être celui de d’un changement lié à l’utilisation d’un prénom d’usage.
Quid du prénom d’usage au quotidien ?
De plus en plus d’entreprises utilisent quotidiennement le prénom d’usage de leurs salariés, bien qu’il soit différent du prénom figurant sur l’état civil. Cette possibilité répond à la protection de la vie privée des salariés garantie par l’article L. 1121-1 du Code du travail.
Par ailleurs, la circulaire du 17 avril 2019 du ministère de l’Enseignement supérieur précise que les établissements d’enseignement supérieur, universités, et grandes écoles ont l’obligation de faciliter l’utilisation du prénom d’usage même sans changement d’état civil, dans la vie étudiante quotidienne, et sur les diplômes.
Finalement, il importe de rappeler que la civilité (« madame », « monsieur ») est distincte de l’état civil. Elle doit être respectée. Ainsi, la civilité d’usage doit être inscrite sur les documents bancaires, les courriers administratifs, etc.
La discrimination des personnes transgenres est-elle sanctionnée ?
La discrimination est définie par l’article 225-1 du Code pénal toute distinction opérée entre les personnes physiques sur un critère subjectif. Or cet article fait mention d’acte de discrimination à raison de l’identité de genre. Dès lors, la discrimination à l’égard des transgenres est sanctionnée par le Code pénal. Cette mention a été ajoutée par la loi relative au harcèlement sexuel du 6 aout 2012.
Comment la transidentité est-elle protégée à l’échelle internationale ?
La transidentité est protégée à échelle internationale, et plus particulièrement à échelle européenne. La Cour européenne des droits de l’homme a estimé que « l’obligation de subir une opération stérilisante ou un traitement entraînant une très forte probabilité de stérilité pour changer la mention du sexe à l’état civil viole le droit au respect de la vie privée ». Dès lors, l’article 8 de la CESDH protège les droits des personnes transgenres. Elle est d’ailleurs venue confirmer la position du défenseur des droits à ce sujet (avis 17-04 sur le respect des droits des personnes intersexes, et décision cadre 2016-164 relative aux personnes transgenres). A l’échelle nationale, c’est l’article 9 du Code civil qui protège le droit au respect de la vie privée.
Un médecin peut-il refuser une opération en raison de votre genre ?
Le principe est le libre choix du médecin (Art. L.1110-8 du Code de la santé publique). Si vous êtes face à une situation de transphobie, vous pouvez déposer plainte pour discrimination en raison du genre.
Quelles associations de défense de droit des personnes trans contacter ?
- Association Nationale Transgenre (ANT) : https://ant-france.eu/
- OUTrans : https://outrans.org/
- Au-delà du Genre : https://www.adgparis.org/
- Acceptess T : https://www.acceptess-t.com/
Rédaction : K. LELAY & P. BRANDY