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Bonjour puis-je savoir si j’ai le droit d’enregistrer ma superieure hierachique lors d’un entretient suite a une agression verbale que j’ai subi d’un de ces agents?je vous remercie et attends votre retour.

Bien Cordialement

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Bonjour,

 

En droit français, la production en justice d’un enregistrement réalisé à l’insu d’une personne (qu’il s’agisse d’un supérieur hiérarchique ou d’un autre salarié) est strictement encadrée, notamment lorsqu’il s’agit de conversations à caractère privé ou professionnel. Il s’agit en effet d’une atteinte à la vie privée susceptible d’être sanctionnée sur le plan civil et pénal. L’article 226-1 du Code pénal réprime le fait de volontairement porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui au moyen d’un procédé quelconque en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel.
Traditionnellement, la jurisprudence considérait qu’un enregistrement clandestin constituait un procédé déloyal, rendant irrecevable la preuve ainsi obtenue. Cependant, la jurisprudence la plus récente de la Cour de cassation, et notamment deux arrêts majeurs de décembre 2023 et juin 2024, a fait évoluer ce principe. Désormais, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit plus nécessairement à l’écarter du débat judiciaire.
Le juge doit mettre en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence, pour apprécier si la production de la preuve est indispensable à l’exercice de ce droit et si l’atteinte est strictement proportionnée au but poursuivi. Ainsi, la Cour de cassation a récemment validé la production par un salarié d’un enregistrement réalisé à l’insu de son employeur, après avoir constaté que cet enregistrement était indispensable pour faire reconnaître le caractère professionnel d’un accident du travail et la faute inexcusable de l’employeur, et que l’atteinte à la vie privée était strictement proportionnée au but poursuivi (Cass. 2e civ., 6 juin 2024, n° 22-11.736).
Dans votre cas, si vous souhaitez enregistrer votre supérieure hiérarchique lors d’un entretien faisant suite à une agression verbale que vous avez subie d’un autre agent, il faut distinguer deux situations :
  1. Enregistrement à titre préventif (avant tout contentieux) :
    • La réalisation de l’enregistrement sans le consentement de votre supérieure peut constituer une infraction pénale.
    • Il existe donc un risque juridique, même si la preuve pourrait, dans certains cas exceptionnels, être admise en justice si elle est jugée indispensable et strictement proportionnée au but poursuivi.
  2. Production de l’enregistrement en justice (au cours d’un contentieux) :
    • Si vous produisez cet enregistrement pour prouver des faits graves (par exemple, pour prouver le harcèlement moral, une agression verbale ou un manquement à l’obligation de sécurité de l’employeur), le juge devra apprécier :
      • Si la production est indispensable à l’exercice du droit à la preuve (c’est-à-dire qu’aucun autre moyen ne permet d’établir la réalité des faits).
      • Si l’atteinte à la vie privée de la supérieure est strictement proportionnée au but poursuivi (protéger votre santé, faire reconnaître vos droits, etc.).
    • Si ces conditions sont réunies, la jurisprudence actuelle admet que l’enregistrement puisse être retenu comme preuve.
Points de vigilance et recommandations
  • Il est fortement recommandé, avant toute initiative, d’envisager d’autres moyens de preuve moins attentatoires à la vie privée (témoignages, mails, attestations, etc.).
  • Si vous décidez d’enregistrer, gardez à l’esprit que la production de l’enregistrement ne sera admise en justice qu’en dernier recours, si elle est jugée indispensable et proportionnée.
  • Attention : la réalisation d’un enregistrement à l’insu d’autrui peut exposer à des sanctions pénales indépendamment de son usage en justice.
Conclusion
En résumé, il existe un risque juridique à enregistrer sans consentement votre supérieure hiérarchique lors d’un entretien, mais la jurisprudence la plus récente admet, dans des cas exceptionnels (notamment pour prouver une agression verbale ou des faits graves), que la preuve puisse être recevable si elle est indispensable et strictement proportionnée au but poursuivi. Le juge appréciera au cas par cas la recevabilité de l’enregistrement.
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