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Le referendum dans les TPE : les étapes à connaître

15 mars 2020

Depuis le 29 décembre 2017, les dirigeants de Très Petites Entreprises (TPE) peuvent soumettre des projets d’accord à l’ensemble des salariés par le biais d’un référendum. La consultation s’effectue en l’absence de l’employeur. 

Les entreprises de moins de 11 salariés et celles de 11 à 20 salariés dépourvues de membre élue au Comité Social Economique n’ont pas d’interlocuteur pour négocier des accords collectifs. Mais elles peuvent faire valider directement par le personnel certains projets d’accord élaborés par l’employeur, cette nouvelle possibilité d’un referendum TPE est permise depuis le Décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 relatif aux modalités d’approbation des accords dans les très petites entreprises. 

Des modalités à respecter

Organiser ces référendums suppose de respecter certaines modalités.

Cette procédure du référendum a été validée par le Conseil d’État (CE 1er avril 2019, n°417652). 

Concernant l’accord lui-même :

  • L’employeur rédige lui-même le futur accord collectif. Il n’y a pas réellement de négociation. 
  • L’employeur peut se tourner vers son observatoire départemental d’analyse et d’appui au dialogue social et à la négociation. Ces structures peuvent être saisies de toutes difficultés rencontrées dans le cadre d’une négociation et apportent leur concours et expertise juridique aux entreprises de moins de 50 salariés (c. trav. art. L. 2234-4 à L. 2234-7). 
  • Le texte élaboré par l’employeur peut porter sur tout thème ouvert à la négociation d’entreprise : taux de majoration des heures supplémentaires, recours aux conventions de forfait en jours ou aux astreintes, etc. 
  • Sur certains sujets particulièrement techniques, tel que l’aménagement du temps de travail, certains préféreront s’assurer les services d’un expert (consultant, avocat…)
  • Pour rappel, l’accord d’entreprise (ici issu d’un accord ratifié par référendum) prévaut sur l’accord de branche, à l’exception de certains domaines limités, dans lesquels l’accord de branche conserve la primauté 

Concernant l’organisation du référendum :

Établir les règles de la consultation :

L’employeur définit au préalable (art. R. 2232-11 code du travail) :

  • les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord
  • le lieu, la date et l’heure du scrutin
  • l’organisation et le déroulement de la consultation
  • le texte de la question soumise à la consultation (à savoir l’approbation de l’accord soumis aux salariés)

Organiser la consultation :

  • La consultation intervient au plus tôt 15 jours après la communication à chaque salarié du projet d’accord et des modalités d’organisation du vote (art. L. 2232-21 et R. 2232-12 code du travail). Son organisation matérielle incombe à l’employeur. 

Déroulement de la consultation :

  • La consultation a lieu par tout moyen, pendant le temps de travail et en l’absence de l’employeur. Elle doit obéir à des modalités garantissant le caractère personnel et secret du vote (c. trav. art. R. 2232-10). Par conséquent, le vote à main levée est exclu.

Concernant la suite du référendum

Le résultat de la consultation :  Le résultat est porté à la connaissance de l’employeur. Il fait l’objet d’un procès-verbal dont l’employeur assure la publicité par tout moyen (art. R. 2232-10 code du travail). Pour que l’accord soit applicable il faut qu’il soit voté à la majorité des 2/3 (c. trav. art. L. 2232-22), et le texte aura alors la valeur d’accord collectif. 
Une fois le texte adopté accompagné du PV officialisant le résultat de la consultation notamment, doit être déposé (c. trav. art. L. 2231-6 et D. 2231-2 à D. 2231-7) :
– sous forme dématérialisée, sur la plate-forme « Télé-Accords » (c. trav. art. D. 2231-4 ; https://www.teleaccords.travail-emploi.gouv.fr) ; 
– auprès du greffe du conseil de prud’hommes ; 
– et auprès de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation de la branche, si l’accord porte sur la durée du travail, les repos ou les congés (c. trav. art. L. 2232-9, D. 2232-1-1 et D. 2232-1-2). 

Tant que ces formalités de dépôt ne sont pas accomplies, l’accord ne peut pas s’appliquer (c. trav. art. L. 2232-29-1). 

L’accord fixe lui-même ses conditions de dénonciation : L’employeur qui entend dénoncer l’accord doit respecter un préavis (3 mois dans le silence de l’accord), notifier sa décision aux « autres signataires de l’accord » c’est à dire à chaque salarié et faire un dépôt auprès de la DIRECCTE et du conseil de prud’hommes (c. trav. art. L. 2222-6 et L. 2232-22). 

Quant aux salariés, ils peuvent dénoncer l’accord dans le mois précédant chaque date anniversaire de sa conclusion (donc une fois par an). Cette dénonciation doit émaner des deux tiers du personnel. Ils notifient leur décision collectivement et par écrit à l’employeur et la déposent auprès de la DIRECCTE et du conseil de prud’hommes. La dénonciation est soumise à un préavis de 3 mois (c. trav. art. L. 2261-9 et L. 2232-22). 

Concernant le contentieux de référendum

En cas de désaccord, le tribunal d’instance doit être saisi (c. trav. art. R. 2232-13) :

  • dans les 3 jours suivant la publication de la liste électorale pour les contestations relatives à la liste des salariés consultés ; 
  • dans les 15 jours suivant le référendum pour les contestations relatives à la régularité de la consultation.
    Le tribunal d’instance statue en dernier ressort : il n’y a pas d’appel possible, seul le pourvoi en cassation est admis. 

Validation par le Conseil d’Etat de la procédure

Conseil d’État, 1ère et 4ème chambres réunies, 01/04/2019, 417652, Inédit au recueil Lebon 
Rapporteur : M. Frédéric Pacoud 
Avocats : HAAS 
Commissaire : M. Charles Touboul

REPUBLIQUE FRANÇAISE 

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS 

Vu la procédure suivante : 

Sous le n° 417652, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 25 avril 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Confédération générale du travail – Force ouvrière demande au Conseil d’Etat : 

  1. d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 relatif aux modalités d’approbation des accords dans les très petites entreprises ;
  2. de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
  1. Sous le n° 418525, par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 février, 22 mai et 5 novembre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Confédération générale du travail demande au Conseil d’Etat : 
  1. d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 ;
  2. de mettre à la charge de l’Etat la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

………………………………………………………………………… 

3. Sous le n° 418619, par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 février et 28 mai 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Confédération française démocratique du travail demande au Conseil d’Etat : 

  1. d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 ; 
  2. de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

………………………………………………………………………… 

4. Sous le n° 418673, par une requête, enregistrée le 28 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’Union syndicale Solidaires demande au Conseil d’Etat : 

  1. d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2017-1767 du 26 décembre 2017 ;
  2. de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

………………………………………………………………………… 

Vu les autres pièces des dossiers ; 

Vu : 

  • la Constitution, notamment son Préambule ;
  • le décret du 10 janvier 1920 portant promulgation du traité de Paix signé à Versailles le 28 juin 1919, notamment la partie XIII dudit traité ; 
  • la loi n° 47-1312 du 17 juillet 1947 autorisant le Président de la République à ratifier les amendements apportés à la constitution de l’organisation internationale du travail adoptés par la 29ème session de la conférence internationale du travail, ensemble l’annexe publiée au Journal officiel du 18 juillet 1947 ; 
  • la convention internationale du travail n° 87 de 1948 sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical adoptée à San Francisco lors de la trente et unième session de la conférence internationale du travail, ratifiée le 28 juin 1951 ; 
  • la convention internationale du travail n° 98 de 1949 sur le droit d’organisation et de négociation collective adoptée à Genève lors de la trente-deuxième session de la conférence internationale du travail, ratifiée le 26 octobre 1951 ; 
  • la convention internationale du travail n° 135 de 1971 concernant les représentants des travailleurs adoptée à Genève lors de la cinquante-sixième session de la conférence internationale du travail, ratifiée le 30 juin 1972 ; 
  •  la recommandation n° 91 sur les conventions collectives, adoptée par l’Organisation internationale du travail à Genève le 29 juin 1951 ; 
  • la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ; 
  • la charte sociale européenne (révisée), signée à Strasbourg le 3 mai 1996 ; 
  • la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;
  • le code du travail ; 
  • l’ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 ; 
  •  la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018 ainsi que la décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018 du Conseil constitutionnel ; 
  • le code de justice administrative ; 

Après avoir entendu en séance publique : 

le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes, 

les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la Confédération générale du travail – Force ouvrière et à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de la Confédération française démocratique du travail. 

Considérant ce qui suit : 

1. Aux termes de l’article L. 2232-21 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date du décret attaqué : ” Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont l’effectif habituel est inférieur à onze salariés, l’employeur peut proposer un projet d’accord aux salariés, qui porte sur l’ensemble des thèmes ouverts à la négociation collective d’entreprise prévus par le présent code. / La consultation du personnel est organisée à l’issue d’un délai minimum de quinze jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord. / Les conditions d’application de ces dispositions, en particulier les modalités d’organisation de la consultation du personnel, sont fixées par décret en Conseil d’Etat “. L’article L. 2232-22 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la même date, dispose : ” Lorsque le projet d’accord mentionné à l’article L. 2232-21 est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel, il est considéré comme un accord valide “. Enfin, aux termes de l’article L. 2232-23 de ce code, dans sa rédaction en vigueur à la même date : ” Dans les entreprises dont l’effectif habituel est compris entre onze et vingt salariés, en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, les dispositions des articles L. 2232-21 et L. 2232-22 s’appliquent “. 
 
2. L’article 1er du décret attaqué du 26 décembre 2017 introduit dans le code du travail les articles R. 2232-10 à R. 2232-13 relatifs aux modalités d’organisation de la consultation du personnel lorsque, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont l’effectif habituel est inférieur à onze salariés et dans les entreprises de onze à vingt salariés en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, l’employeur propose aux salariés un projet d’accord en application des articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail mentionnés ci-dessus. L’article 2 de ce décret introduit dans le code de l’organisation judiciaire l’article R. 221-28-1 relatif à la compétence du tribunal d’instance pour connaître des contestations relatives à la liste des salariés qui doivent être consultés et à la régularité des procédures de consultation prévues par les articles L. 2232-21 et L. 2232-23 du code du travail, ainsi que des contestations relatives aux consultations sur des accords d’entreprises prévues par d’autres dispositions du code du travail. Par quatre requêtes qu’il y a lieu de joindre, la Confédération générale du travail – Force ouvrière, la Confédération générale du travail, la Confédération française démocratique du travail et l’Union syndicale Solidaires demandent l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret. 

3. En premier lieu, aux termes de l’article 22 de la Constitution : ” Les actes du Premier ministre sont contresignés, le cas échéant, par les ministres chargés de leur exécution “. S’agissant d’un acte réglementaire, les ministres chargés de son exécution sont ceux qui sont compétents pour signer ou contresigner les mesures réglementaires ou individuelles que comporte nécessairement l’exécution de l’acte en cause. L’exécution du décret attaqué, y compris de celles de ses dispositions relatives à la compétence du tribunal d’instance, ne comporte aucune mesure que devrait signer ou contresigner le ministre de la justice. Par suite, la Confédération française démocratique du travail n’est pas fondée à soutenir que l’absence de contreseing du ministre de la justice entacherait le décret attaqué d’illégalité. 
 
4. En deuxième lieu, lorsque, comme en l’espèce, un décret doit être pris en Conseil d’Etat, le texte retenu par le Gouvernement ne peut être différent à la fois du projet qu’il a soumis au Conseil d’Etat et du texte adopté par ce dernier. Il ressort des pièces produites par le ministre du travail que le décret attaqué ne contient aucune disposition différant à la fois de celles qui figuraient dans le projet du Gouvernement et de celles qui ont été adoptées par la section sociale du Conseil d’Etat. Dès lors, la Confédération française démocratique du travail n’est pas fondée à soutenir que les règles qui gouvernent l’examen par le Conseil d’Etat des projets de décret auraient été méconnues. 

5. En troisième lieu, la possibilité pour l’employeur, dans les entreprises dépourvues de délégué syndical et dont l’effectif habituel est inférieur à onze salariés, ainsi que dans les entreprises de onze à vingt salariés en l’absence de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique, de proposer aux salariés un projet d’accord, qui devient un accord d’entreprise s’il est approuvé à la majorité des deux tiers du personnel, résulte des dispositions des articles L. 2232-21, L. 2232-22 et L. 2232-23 du code du travail, issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective. Cette ordonnance a été ratifiée par l’article 1er de la loi du 29 mars 2018 ratifiant diverses ordonnances prises sur le fondement de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017 d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social. Il n’appartient pas au juge administratif, en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, d’apprécier la conformité de dispositions législatives aux exigences constitutionnelles. Par suite, il ne peut être utilement soutenu que le décret attaqué, qui se borne à préciser les modalités d’organisation de la consultation du personnel, méconnaîtrait les sixième et huitième alinéas du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, au motif que la consultation des salariés sur un projet d’accord proposé par l’employeur ferait obstacle à l’intervention des organisations syndicales représentatives et des représentants élus du personnel. 

6. En quatrième lieu, d’une part, l’article 4 de la convention internationale du travail n° 98 concernant l’application des principes du droit d’organisation et de négociation collective stipule : ” Des mesures appropriées aux conditions nationales doivent, si nécessaire, être prises pour encourager et promouvoir le développement et l’utilisation les plus larges de procédures de négociation volontaire de conventions collectives entre les employeurs et les organisations d’employeurs d’une part, et les organisations de travailleurs d’autre part, en vue de régler par ce moyen les conditions d’emploi “. Ces stipulations requièrent l’intervention d’actes complémentaires pour produire des effets à l’égard des particuliers et sont, par suite, dépourvues d’effet direct. D’autre part, le point 6 de l’article 19 de la constitution de l’Organisation internationale du travail, relatif aux obligations des membres quant aux recommandations adoptées par la conférence générale de l’Organisation internationale du travail, énonce : ” (…) (a) la recommandation sera communiquée à tous les Membres pour examen, en vue de lui faire porter effet sous forme de loi nationale ou autrement ; / (b) chacun des Membres s’engage à soumettre, dans le délai d’un an à partir de la clôture de la session de la Conférence (…), la recommandation à l’autorité ou aux autorités dans la compétence desquelles rentre la matière, en vue de la transformer en loi ou de prendre des mesures d’un autre ordre ; (…) (d) sauf l’obligation de soumettre la recommandation à l’autorité ou aux autorités compétentes, les Membres ne seront soumis à aucune autre obligation, si ce n’est qu’ils devront faire rapport au Directeur général du Bureau international du Travail, à des périodes appropriées (…) sur l’état de leur législation et sur leur pratique concernant la question qui fait l’objet de la recommandation “. Une telle recommandation, si elle peut être prise en considération, le cas échéant, pour l’interprétation d’une convention à laquelle elle se rapporterait, est dépourvue de caractère contraignant. Par suite, les syndicats requérants ne peuvent utilement invoquer, pour soutenir que le décret attaqué serait dépourvu de base légale, ni l’article 4 de la convention internationale du travail n° 98 ni le II de la recommandation n° 91 du 29 juin 1951 de l’Organisation internationale du travail concernant les conventions collectives. 

7. En cinquième lieu, l’article 5 de la convention internationale du travail n° 135 concernant la protection des représentants des travailleurs dans l’entreprise et les facilités à leur ‘accorder stipule: ” Lorsqu’une entreprise compte à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus, des mesures appropriées devront être prises, chaque fois qu’il y a lieu, pour garantir que la présence de représentants élus ne puisse servir à affaiblir la situation des syndicats intéressés ou de leurs représentants, et pour encourager la coopération, sur toutes questions pertinentes, entre les représentants élus, d’une part, et les syndicats intéressés et leurs représentants, d’autre part “. Les dispositions des articles L. 2232-21 à L. 2232-23 du code du travail et celles du décret attaqué ne peuvent trouver à s’appliquer dans des entreprises comptant à la fois des représentants syndicaux et des représentants élus du personnel. Par suite, elles ne méconnaissent pas, en tout état de cause, les stipulations de l’article 5 de la convention internationale du travail n° 135. 

8. En sixième lieu, aux termes de l’article 11, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : ” Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts “. Il résulte de ces stipulations, telles que la Cour européenne des droits de l’homme les interprète, eu égard aux développements du droit du travail tant international que national et de la pratique des Etats contractants en la matière, que le droit de mener des négociations collectives avec l’employeur est, en principe, devenu l’un des éléments essentiels du droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts, énoncé par cet article. Par les dispositions des articles L. 2232-21 à L. 2232-23 du code du travail pour l’application desquelles le décret attaqué a été pris, le législateur a entendu, afin de développer les accords dans les petites entreprises, pallier l’absence fréquente de représentants des salariés pouvant participer à leur négociation. Dans les entreprises de moins de onze salariés, auxquelles ne s’appliquent pas les obligations relatives aux institutions représentatives du personnel, ces dispositions ne prévoient la possibilité pour l’employeur de soumettre un projet d’accord à la consultation du personnel que si l’entreprise est dépourvue de délégué syndical. Dans les entreprises de onze à vingt salariés, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2232-23 et L. 2232-23-1 du même code que cette possibilité n’est ouverte qu’en l’absence tant de délégué syndical que de membre élu de la délégation du personnel du comité social et économique et qu’elle ne fait pas obstacle à la négociation et à la conclusion d’un accord d’entreprise avec un ou plusieurs salariés expressément mandatés par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans la branche ou, à défaut, au niveau national et interprofessionnel. Les accords d’entreprise ainsi adoptés doivent, dans les matières énumérées à l’article L. 2253-1 du code du travail et, lorsque la convention de branche le stipule, dans celles qui sont énumérées à l’article L. 2253-2 du même code, assurer des garanties au moins équivalentes à celles de la convention de branche applicable à l’entreprise. En dernier lieu, un délai de quinze jours au moins doit séparer la communication à chaque salarié du projet d’accord de l’organisation de cette consultation, de façon, notamment, à permettre aux salariés de consulter, s’ils le souhaitent, les représentants de l’organisation syndicale de leur choix. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance, par les dispositions des articles L. 2232-21, L. 2232-22 et L. 2232-23 du code du travail, des stipulations de l’article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à l’appui duquel sont invoqués tant les conventions mentionnées aux points 6 et 7 que l’article 6 de la charte sociale européenne (révisée) et l’article 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être écarté. 

9. En septième lieu, l’article L. 2232-21 du code du travail, qui précise que la consultation du personnel est organisée à l’issue d’un délai minimum de quinze jours courant à compter de la communication à chaque salarié du projet d’accord, confie au pouvoir réglementaire le soin de fixer ses conditions d’application, en particulier les modalités d’organisation de cette consultation, lesquelles doivent, ainsi que l’a jugé le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2018-761 DC du 21 mars 2018, respecter les principes généraux du droit électoral. Selon l’article R. 2232-11 inséré dans le même code par le décret attaqué, il incombe à l’employeur de définir les modalités d’organisation de la consultation, qui incluent les modalités de transmission aux salariés du texte de l’accord, le lieu, la date et l’heure de la consultation, son organisation et son déroulement, ainsi que le texte de la question relative à l’approbation de l’accord. Toutefois, l’article R. 2232-10 également inséré dans ce code par le décret attaqué impose notamment que cette consultation ait lieu pendant le temps de travail, que son organisation matérielle incombe à l’employeur, que son caractère personnel et secret soit garanti, qu’elle se déroule en l’absence de l’employeur et que son résultat fasse l’objet d’un procès-verbal dont la publicité est assurée dans l’entreprise. Les modalités d’organisation définies par l’employeur doivent, en vertu de l’article R. 2232-12 inséré dans le code du travail, être communiquées aux salariés quinze jours au moins avant la date de la consultation, de même que le projet d’accord, de façon notamment à permettre aux salariés de consulter s’ils le souhaitent, ainsi qu’il a été dit au point 8, les représentants de l’organisation syndicale de leur choix. Dans ces conditions, l’Union syndicale Solidaires n’est pas fondée à soutenir que le pouvoir réglementaire aurait méconnu les dispositions de l’article L. 2232-21 du code du travail en laissant à l’employeur, par l’article R. 2232-11, le soin de définir les autres modalités d’organisation de la consultation, sans préciser les conditions de l’expression d’une position divergente par un ou plusieurs salariés. 
 
10. En dernier lieu, les moyens tirés, par l’Union syndicale Solidaires, de la méconnaissance du principe de liberté contractuelle, de la convention internationale du travail n°87 concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical et de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne sont pas assortis des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. 

11. Il résulte de tout ce qui précède que les syndicats requérants ne sont pas fondés à demander l’annulation du décret qu’ils attaquent. 

12. Les conclusions qu’ils présentent au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, en conséquence, être rejetées. 

D E C I D E : 

Article 1er : Les requêtes de la Confédération générale du travail – Force ouvrière, de la Confédération générale du travail, de la Confédération française démocratique du travail et de l’Union syndicale Solidaires sont rejetées. 
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Confédération générale du travail – Force ouvrière, à la Confédération générale du travail, à la Confédération française démocratique du travail, à l’Union syndicale Solidaires, au Premier ministre et à la ministre du travail.