Dans une étude menée de 2015 à 2020 sur 27 000 personnes âgées de 20 à 69 ans, l’Institut National d’Etudes Démographiques a démontré la proportion de personnes se déclarant victimes de l’inceste : un homme sur huit, une femme sur cinq ont vécu des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans.
Pendant fort longtemps, le législateur a refusé de reconnaître que les violences sexuelles à caractère incestueuse constituent des crimes spécifiques. Les violences sexuelles incestueuses ne pouvaient être réprimées qu’à travers les incriminations de viol et d’atteinte à la pudeur.
Que dit la loi ?
La loi n°2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l’inceste commis sur les mineurs dans le Code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d’actes incestueux a permis de distinguer clairement les agressions sexuelles incestueuses des autres infractions à caractère sexuel. Malheureusement, cette loi sera rapidement censurée par le Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n°2011-163 QPC du 16 septembre 2011 a considéré que le terme « membre de la famille » était trop imprécis pour déterminer les personnes qui pouvaient être considérées comme auteurs d’agressions sexuelles incestueuses. La loi du n°2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant a remédié au problème en établissant la liste des membres de la famille qui pouvaient être poursuivis.
Le 26 novembre 2020, la sénatrice Mme Annick BILLON, a déposé une proposition de loi visant à interdire de manière absolue tout acte sexuel entre un majeur et un mineur de 13 ans. Cette proposition de loi a été définitivement adoptée le 23 avril 2021. Elle a refondu complètement les agressions sexuelles sur l’inceste. Faire le point s’avère indispensable car cette loi a renouvelé la définition de l’inceste et renforcé les sanctions.
Quelles mesures peuvent être prises pour protéger l’enfant au cours de la procédure pénale ?
En effet, l’auteur des violences sexuelles continue de jouir de l’autorité parentale. De nombreuses mère, soucieuse de la santé physique et psychique de leur enfant refusait de remettre leur enfant à leur père accusé d’inceste. Or, ce dernier se défendait en déposant plainte pour non-présentation d’enfant envers ces mères.
Le 23 janvier 2021, le Président de la République a annoncé la création de la Commission Indépendante Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants. Dans son avis « Inceste : protéger les enfants – A propos des mères en lutte », cette commission a notamment proposé que l’autorité parentale soit suspendue de plein droit en cas d’accusation de violences sexuelles incestueuses.
A ce jour, l’autorité parentale est toujours maintenue. Quels recours vous sont donc proposés par le droit en vigueur pour protéger votre enfant et l’éloigner du parent présumé auteur de ces agressions ?
Dans quels cas votre enfant est victime de violences sexuelles à caractère incestueux ?
Aux termes du nouvel article 222-22-3 du Code pénal, il y a viol ou agression sexuelle lorsque l’auteur de ces faits est :
- Un parent ou un grand parent
- Un frère, une sœur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce
- Le conjoint, le concubin ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité d’une des personnes mentionnées ci-dessus s’il a sur votre enfant une autorité de droit ou de fait.
Cette nouvelle définition met fin au système de la preuve qui nécessitait que vous prouviez que votre enfant n’avait pas consenti à l’acte sexuel. Il suffit de rapporter la preuve du lien de filiation ou d’autorité pour que l’auteur soit poursuivi. En revanche, l’auteur des faits doit être majeur et votre enfant, mineur.
Quelles sont les sanctions encourues en cas de violences sexuelles ?
Tout d’abord, la personne qui a commis de telles infractions est exposée à des peines d’emprisonnement. L’inceste est une circonstance aggravante et il s’expose à :
- 20 ans de prison en cas de viol (Article 222-24 du Code pénal).
- 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour les autres agressions sexuelles (Article 222-28 du Code pénal).
Ensuite, le juge pénal peut prononcer le retrait de l’autorité parentale. Dans ce cas, vous serez seul(e) titulaire de l’exercice de l’autorité parentale et l’autre parent ne pourra plus disposer d’un droit de visite et d’hébergement. En revanche, ce dernier pourra être tenu de continuer à vous verser une pension alimentaire au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant (Article 371-2 alinéa 2 du Code civil).
Comment protéger votre enfant au cours de la procédure pénale ?
En cas d’accusation de violences sexuelles, votre enfant sera entendu par la Brigade des mineurs qui fera un rapport au juge des enfants.
Vous disposez de trois moyens pour protéger votre enfant au cours de la procédure.
Tout d’abord, si l’autre parent est mis en examen devant un juge d’instruction, vous pourrez vous constituer partie civile au nom de votre enfant et demander à ce titre qu’il ordonne que l’autre parent soit interdit d’entrer en contact avec vous et votre enfant et de ne pas se présenter aux abords de votre domicile ou de l’école de votre enfant (Article 138 du Code de procédure pénale).
Ensuite, vous pouvez saisir le juge des enfants pour qu’il ordonne la même mesure au titre des mesures d’assistance éducative (Article 375-3 du Code civil). En effet, la possibilité pour le parent accusé de continuer à voir votre enfant peut mettre en danger « la santé, la sécurité et la moralité » de votre enfant.
Enfin, vous pouvez saisir le juge aux affaires familiales par la procédure d’assignation à jour fixe afin que ce dernier suspende à titre provisoire la garde alternée ou le droit de visite et d’hébergement. Cette demande doit être complétée par une requête déposée au juge aux affaires familiales pour qu’il statue définitivement sur l’exercice de l’autorité parentale. A cette occasion, ce magistrat pour ordonner de vous confier exclusivement l’exercice de l’autorité parentale. Il pourra, en outre, supprimer le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent ou organiser un droit de visite dans un espace médiatisé (Article 373-2-1 du Code civil).
Rédaction : F. HAMIDI