La grande majorité du citoyen profane pense que dès lors qu’il subit un préjudice, il est nécessaire de déposer plainte. Or la plainte n’est utile que si une personne a commis une infraction pénale. Si aucune infraction pénale n’est constatée, la procédure n’a aucune chance d’aboutir. Si vous n’êtes pas face à une infraction pénale, et que vous souhaitez obtenir réparation d’un préjudice subi, le paiement de la créance due, ou l’échange d’un produit, il convient de saisir le juge civil, selon une procédure réglementée. Cet article se focalise seulement sur les litiges entre particuliers ou avec un commerçant. Les litiges avec votre commune ou un organisme de droit public seront traités ultérieurement.
Qu’est-ce que la saisine du juge ?
La saisine du juge est le fait de remettre au secrétariat greffe du juge compétent une copie de l’acte d’huissier par lequel le défendeur est assigné à comparaitre à la date fixée dans l’acte. Le tribunal peut également être saisi par requête selon les cas.
La saisine doit-elle être réalisée par l’avocat ou la partie directement ?
Selon que la procédure soit avec représentation obligatoire par avocat ou non, la saisine sera faite par vous-même ou par votre avocat vous représentant.
A savoir : même si la procédure ne nécessite pas la présence d’un avocat, vous pouvez missionner votre avocat pour assigner le défendeur en vous représentant.
Quel juge saisir ?
Le juge saisi différera selon la nature du litige. Ainsi, vous pouvez être amené à saisir :
- Le juge des contentieux de la protection, compétent pour la protection des majeurs, les baux d’habitation, les actions relatives aux contrats de crédits à la consommation et le surendettement des particuliers.
- Le juge aux affaires familiales compétent pour les litiges relatifs au droit de la famille
- Le juge de l’exécution compétent essentiellement pour les litiges relatifs à l’exécution des jugements.
- Le président du tribunal judiciaire compétent en matière de référé, rectifications des actes de l’état civil, requêtes, honoraires de l’avocat
- Plus largement, le tribunal judiciaire
Est-il nécessaire de tenter un règlement amiable du litige ?
Pour certaines procédures, il est obligatoire d’apporter la preuve d’une tentative de règlement amiable du litige. C’est notamment le cas pour les procédures devant :
- Le juge des contentieux de la protection
- Le juge aux affaires familiales
De même, lorsque le litige porte sur le paiement d’une somme n’excédant pas 5.000 euros (prendre en compte le montant total des demandes), vous devez justifier avoir tenté une procédure de conciliateur menée par un conciliateur de justice, une procédure de médiation ou une procédure participative. Il en est de même pour les actions telle que :
- Les actions en bornage ;
- Les actions relatives à la distance prescrite par la loi, les règlements particuliers et l’usage des lieux pour les plantations ou l’élagage d’arbres ou de haies ;
- Les actions relatives aux constructions et travaux à proximité ou sur un mur mitoyen,
- Les actions relatives au curage des fossés et canaux servant à l’irrigation des propriétés ou au mouvement des usines et moulins ;
Quel tribunal saisir ?
Dans la majorité des cas, le tribunal saisi sera celui du domicile du défendeur. Si votre adversaire n’a pas de domicile connu, vous pourrez saisir le tribunal de votre résidence.
Si votre litige porte sur l’achat de biens ou services, vous pouvez saisir le tribunal du lieu où se trouve le siège social du commerçant. Vous pouvez également saisir le tribunal du lieu où a été effectué l’achat ou celui où sont survenus les faits ou encore celui où vous avez signé le contrat.
Pour un litige en matière d’assurances (sauf assurances contre les accidents et assurance habitation), le tribunal compétent est celui de votre domicile.
Pour un litige en matière d’assurances contre les accidents de la route (sauf assurance habitation), vous pouvez saisir le tribunal de votre domicile ou celui du lieu de l’accident.
Pour un litige en matière d’assurance habitation, le tribunal compétent est celui du lieu du bien concerné.
Quelle différence entre l’assignation et la requête ?
L’assignation est l’acte par lequel vous faites délivrer par voie d’huissier une convocation de justice à un défendeur. Il est préférable d’obtenir une date d’audience par l’intermédiaire d’un avocat ou d’un huissier. Une fois que l’assignation est signifiée, délivrée à son destinataire, elle doit être déposée au greffe de la juridiction saisie dans un délai de 4 mois. Elle est principalement utilisée pour les procédures orales, les procédures devant le juge de l’exécution et les procédures de référé.
Par la requête, vous adressez votre demande au secrétariat de la juridiction que vous voulez saisir. Le greffe se chargera de convoquer les parties. Elle est utilisée lorsque le montant de la demande n’excède pas 5 000 € ou dans certaines matières fixées par la loi ou le règlement (par exemple en matière de tutelle ou certaines procédures devant le JAF saisi hors divorce).
De même, si les deux parties sont d’accord pour que le juge tranche leur litige, vous devez former une requête conjointe (Art. 750 CPC).
Existe-t-il des modèles de requête et assignations ?
Le site du service public a répertorié tous les modèles requêtes selon les litiges en question, appelé modèles cerfa.
Exemple :
- Requête aux fins de saisine du juge des contentieux de la protection : Cerfa n° 16041*02
- Requête aux fins de saisine du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité : Cerfa n°16042*01
- Requête en vue d’une protection juridique d’un majeur (habilitation familiale ou protection judiciaire) (Formulaire 15891*03)
- Requête en adoption plénière de l’enfant du conjoint (Formulaire 15743*03)
- Requête de saisine du tribunal – Contentieux de la sécurité sociale et de l’aide sociale (Formulaire 15980*03)
Quelles sont les mentions obligatoires de la requête ?
La requête doit comprendre les éléments suivants :
- Identité complète des parties
- Tribunal saisi
- Objet de la demande (dommages-intérêts, remise d’un bien, annulation d’un contrat…)
- Motifs du litige
- Liste des pièces (qui doivent être fournies en autant de copies que d’adversaires)
- Date
- Signature
La procédure peut se dérouler sans audience. Dans ce cas, la requête doit comporter votre accord (cerfa n° 16037*01).
Vous serez avisés par lettre recommandée avec avis de réception des lieu, jour et heure d’audience par le greffier.
Vous avez la possibilité de vous faire assister d’un avocat.
Quelles sont les mentions obligatoires de l’assignation ?
Elle est faite par l’avocat, l’huissier ou vous-même. S’agissant d’un acte signifié par voie d’huissier, les mentions prescrites par l’article 648 du Code de procédure civile doivent être indiquées à peine de nullité :
- date,
- nom, prénom, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance du requérant (si personne morale : forme, dénomination, siège social, organe représentant),
- nom, prénoms, demeure et signature de l’huissier de justice,
- noms et domicile du destinataire.
Elle doit également comprendre les mentions de l’article 56 du Code de procédure civile, à savoir :
- lieu et chambre désignée, jour et heure de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée
- exposé des moyens en fait et en droit
- liste des pièces sur lesquelles vous vous fondez
- L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire
- Les démarches amiables tentées pour parvenir à la résolution préalable du litige
- La mention de votre accord ou désaccord pour que la procédure se déroule sans audience.
Finalement, dans le cadre des procédures avec représentation obligatoire, l’acte doit faire mention de votre constitution d’avocat et du délai dans lequel votre adversaire est tenu de constituer avocat.
Comment faire parvenir l’assignation à son destinataire ?
Après avoir rédigé l’assignation, l’avocat ou vous-même devez solliciter un huissier compétent dans le département du domicile ou du siège social du défendeur qui va recevoir l’acte. Après avoir transmis l’assignation, l’huissier vous remettra le second original de l’assignation ou le transmettra à votre avocat mandaté.
Que faire une fois que le défendeur a reçu l’assignation ?
Cette assignation n’a de valeur que si elle fait l’objet d’un « placement », d’une mise au rôle de l’affaire, au tribunal. Par rôle, il faut entendre le registre tenu par le secrétariat du greffe du Tribunal qui recense toutes les affaires dont il est saisi, soit celles sur lesquels il doit statuer. Ce placement doit avoir lieu dans un délai de 2 mois à compter de la communication de la date d’audience, si elle a eu lieu par voie électronique.
Attention : ce délai est réduit à 15 jours avant l’audience lorsque :
- Soit la date d’audience n’est pas communiquée par voie électronique ;
- Soit la date d’audience est fixée moins de deux mois après la communication de cette date par la juridiction.
En cas d’urgence, ce délai est encore inférieur à 15 jours.
En cas de non-respect du délai d’enrôlement, l’assignation est caduque. Il faudra tout recommencer depuis le début.
Rédaction : P. BRANDY