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Flash Juridique 04/12

8 décembre 2020

Retrouvez les dernières actualités juridiques rédigées par nos juristes. : Droit pénal, fiscal, familial, travail etc.

Droit du travail

Remise d’un rapport sur les travailleurs des plateformes

Ce mercredi 2 décembre 2020, Jean-Yves Frouin, ancien président de la chambre sociale de la Cour de cassation, a remis un rapport sur l’insuffisante protection juridique des travailleurs des plateformes, type Uber ou Deliveroo, situés à mi-chemin entre les travailleurs indépendants et les salariés. Cette absence de protection est perçue comme un contournement du droit du travail, et ne saurait être surmontée par la création d’un troisième statut intermédiaire, qui n’aurait pour seul effet que d’aggraver l’insécurité juridique existante. Le rapport est majoritairement axé sur deux mesures principales. Il préconise d’une part de recourir à un dialogue social créateur de droits, en affiliant ces travailleurs à des tiers chargés de les sécuriser, tels que des coopératives d’activité et d’emploi, et sociétés de portage. Il préconise d’autre part d’instaurer une autorité de régulation des plateformes. D’autres pistes de réflexion, comme la création d’un socle de droits, feront l’objet d’études ultérieures.

Durée de protection du délégué syndical

Dans son arrêt du 4 novembre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle la distinction à opérer sur la durée de protection des représentants du personnel suivant l’effectif de l’entreprise. Elle précise ainsi que pour les entreprises de plus de 50 salariés, la durée de protection d’un ancien délégué syndical peut aller jusqu’à 12 mois après la fin du mandat, alors qu’elle n’est que de 6 mois dans les entreprises de moins de 50 salariés. Cette solution, qui n’a rien de nouveau, est une piqure de rappel essentielle pour les employeurs qui doivent nécessairement en tenir compte dans l’éventualité d’une procédure de licenciement.

Licenciement concomitant à une action en justice du salarié

Tout salarié peut jouir d’une liberté fondamentale d’agir en justice, à laquelle l’employeur ne peut porter atteinte. La protection du salarié qui agit en justice contre son employeur apparaît comme une garantie contre les mesures de sanction dissimulée ou non. Aussi, un licenciement prononcé à la suite d’une action en justice d’un salarié serait frappé de nullité. Il faut toutefois pour cela être en mesure de démontrer, par différents moyens de preuve, le lien de causalité entre le licenciement et l’action en justice, puisqu’il n’existe pas de présomption de causalité entre les deux. C’est cette absence de présomption que rappelle la chambre sociale dans son arrêt du 4 novembre 2020. Ainsi, le seul fait qu’une action en justice, exercée par le salarié, soit contemporaine d’une mesure de licenciement, ne fait pas présumer que celui-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.

Licenciement pour motif économique et faute de l’employeur

En cas de difficultés économiques, l’employeur peut recourir aux licenciements économiques. Encore faut-il pour cela qu’il n’ait pas commis de faute susceptible de concourir aux difficultés économiques. C’est de l’appréciation de cette faute qu’il est question dans l’arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la chambre sociale de la Cour de cassation. Il en résulte que, si une faute de l’employeur à l’origine de la menace pesant sur la compétitivité de l’entreprise rendant nécessaire sa réorganisation est susceptible de priver de cause réelle et sérieuse les licenciements prononcés, l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas, à elle seule, une telle faute.

Contours de la protection du salarié lanceur d’alerte

L’arrêt rendu le 4 novembre 2020 par la chambre sociale de la Cour de cassation précise les contours de la protection dont bénéficient les salariés lanceurs d’alerte. A ce titre, un salarié ne peut se prévaloir du statut de lanceur d’alerte, si les faits qu’il dénonce au moyen d’un enregistrement clandestin de l’employeur ne sont pas susceptibles d’être constitutifs d’un délit ou d’un crime.

Droit civil

Appréciation des sanctions en cas de nullité du cautionnement

Si des doutes étaient émis sur la conformité de la sanction en cas de nullité du cautionnement, au regarde de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH), la chambre commerciale de la Cour de cassation a tranché dans son arrêt du 21 octobre 2020. La Haute juridiction a ainsi jugé que la non-conformité à la loi d’une mention manuscrite, fondée sur la protection de la caution, ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit de l’établissement de crédit prêteur au respect de ses biens, garanti par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la CESDH.

Place contractuelle de la rentabilité économique

Deux arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 4 novembre 2020 apportent d’importantes précisions sur les modalités d’adoption d’un enfant issu d’une gestation pour autrui (GPA) par un couple homosexuel d’hommes. La GPA consiste à recourir à une mère porteuse, c’est-à-dire une femme qui porte un enfant pour un couple à qui l’enfant est remis à sa naissance. La GPA est interdite en France mais autorisée ou tolérée dans plusieurs pays européens (Portugal, Belgique, Pays-Bas, Irlande, Royaume-Uni, etc). Ainsi, le conjoint du père de l’enfant né à l’étranger d’une GPA a la possibilité de procéder à une adoption plénière de cet enfant. L’adoption plénière vise à créer un lien de filiation entre l’adopté et la famille d’adoption, tout en rompant la filiation entre l’adopté et la famille d’origine. Pour que cette adoption plénière soit toutefois possible, trois conditions cumulatives doivent être remplies : d’abord le droit étranger doit autoriser ce mode de conception, ensuite l’acte de naissance de l’enfant, qui ne fait mention que d’un parent, doit être dressé conformément à la législation étrangère, et enfin il ne doit exister aucun élément de fraude.

Place (non reconnue) de la bigamie en droit français

Dans son arrêt du 4 novembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle que l’état de bigamie de l’époux fait obstacle à la persistance d’une communauté de vie. De fait, il est incompatible avec l’acquisition de la nationalité française par sa première épouse. Pour rappel, la bigamie, non reconnue en droit français, consiste à contracter un second mariage alors que le premier n’est pas dissous.

Droits et libertés fondamentales et droit pénal

Encadrement légal des enfants influenceurs

La loi n° 2020-1266 du 19 octobre 2020, visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne, a été publiée au Journal officiel du 20 octobre 2020, et entrera en vigueur six mois après sa promulgation, soit le 20 avril 2021. Cette loi, qui intervient dans le contexte de l’impact que peut avoir la célébrité sur le développement psychologique des enfants, et les risques de cyberharcèlement voire de pédopornographie, comporte deux volets d’intervention principaux. D’une part elle crée un régime de protection des enfants influenceurs. Ces derniers sont reconnus comme des travailleurs bénéficiant des dispositions protectrices du Code du travail. D’autre part, elle consacre un droit à l’effacement à leur égard. Ainsi une personne mineure peut, sans le consentement des dépositaires de l’autorité parentale, user de son droit à l’effacement des données à caractère personnel.

Procédure pénale – Censure des vidéo-surveillances pour les Cour d’assise et Cour criminelle

La possibilité, introduite dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire par l’ordonnance n° 2020-1401 du 18 novembre 2020, portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière pénale, de recourir à la visio-conférence après la fin de l’instruction à l’audience devant les juridictions criminelles, a été suspendue par le juge des référés du Conseil d’Etat. Pour la juridiction administrative, une telle mesure porterait une atteinte grave et manifestement illégale aux droits de la défense et au droit à un procès équitable (CE., ord., 27 nov. 2020).

Porté d’une nullité en cas de pluralité de propos contenus dans une même citation

En matière de presse, il est possible que plusieurs propos soient incriminés dans une même citation, délivrée pour une ou plusieurs infractions. Dans ce cas, si une irrégularité affecte la poursuite pour l’un des propos, cette irrégularité ne s’étend à l’ensemble de l’acte, et donc l’ensemble des propos, que si, en raison de l’indivisibilité existant entre les différents faits poursuivis, c’est sur la nature et l’étendue de l’intégralité de ceux-ci qu’il en résulte une incertitude dans l’esprit du prévenu (Cass.crim., 3 nov. 2020).

Droit administratif

Limitation du nombre de personnes dans les lieux de culte

Les dispositions de l’article 47 du décret du 29 octobre 2020, dans leur rédaction issue du décret du 27 novembre 2020, qui limitent à trente personnes les rassemblements dans les établissements de culte, viennent d’être censurées par le Conseil d’Etat. En effet, le juge des référés estime que cette jauge de 30 personnes présente « un caractère disproportionné au regard de l’objectif de préservation de santé publique et constitue ainsi, eu égard au caractère essentiel de la composante de la liberté de culte, une atteinte grave et manifestement illégale à cette dernière » (CE., ord. 29 nov. 2020). Suite à cela, le Premier ministre a trois jours pour revoir sa copie.

Evolution de l’obligation d’information du patient

Dans son arrêt du 20 novembre 2020, le Conseil d’Etat a apporté des précisions sur les contours de l’obligation d’information du patient. Le Conseil a en effet tempéré les conséquences d’un défaut d’information du patient, lorsque ce défaut d’information est sans conséquence sur le consentement de ce dernier à l’intervention. A ce titre, le grief de perte de chance peut être écarté si, compte tenu de l’état de santé du patient et de son cadre de soin, même en étant informé, il aurait consenti à l’acte de soin.

Motivation d’un rejet de mainlevée d’hospitalisation sans consentement

Alors que le principe en droit français est celui du consentement au soin des patients, il est possible dans certains cas de procéder à une hospitalisation sans consentement. Cette hospitalisation intervient sur demande d’un membre de la famille, d’un tiers, ou du préfet, et repose sur un certificat médical, lorsque le patient présente un risque de trouble à l’ordre public ou à la sécurité des personnes. Dans son arrêt du 15 octobre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation rappelle l’importance et la nécessité de la motivation dans la caractérisation du risque de trouble, compte tenu du caractère attentatoire aux droits et libertés fondamentales que représente cette hospitalisation.

Rédaction : E. MARANT