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Droit administratif
Caractère urgent de la demande de suspension d’un permis de construire
Conseil d’État, 6ème chambre, 23 décembre 2020, n°441349
En l’espèce, la Fédération des Associations de Protection de l’Environnement et du Littoral des Côtes-d’Armor a demandé au juge des référés de suspendre l’exécution d’un arrêté accordant à la commune de Saint-Cast-le-Guildo un permis de construire pour la réalisation d’une maison de sauvetage sur le port d’Armor. Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande. La Fédération a formé un pourvoi. Le Conseil d’État affirme qu’en raison du caractère difficilement réversible de la construction d’un bâtiment, la condition d’urgence doit en principe être constatée lorsque les travaux vont commencer ou ont déjà commencé sans être pour autant achevés. En l’espèce, la construction étant déjà très avancée puisqu’il ne reste que la végétalisation du toit à réaliser, de sorte que la condition d’urgence n’est pas remplie. Le Conseil d’Etat juge donc que la requérante n’est pas fondée à demander la suspension du permis de construire en litige.
Communication du motif de refus d’admission en Master en cas de demande de l’étudiant
Conseil d’État, avis, 4ème et 1ère chambres réunies ,21 janvier 2021, n°442788
En l’espèce, un étudiant en psychologie s’était vu refuser sa demande d’admission en deuxième année de master. Il a transmis le dossier de cette demande au Conseil d’État, en soumettant à son examen la question de savoir si la décision par laquelle le président d’une université refuse d’admettre un étudiant en première ou en deuxième année de master relève d’une des catégories de décisions devant être motivées en application de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. Le Conseil d’Etat considère que les décisions par lesquelles le président d’une université refuse l’admission d’un étudiant en première ou en deuxième année de master n’entrent dans aucune des catégories de décisions devant être motivées en vertu de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration. Pour lui, de telles décisions ne constituent ni des décisions restreignant l’exercice des libertés publiques, ni des décisions subordonnant l’octroi d’une autorisation à des conditions restrictives, ni des décisions refusant une autorisation. Il considère toutefois, que les motifs de ces décisions doivent être communiqués aux candidats qui le demandent.
Procédure civile
L’erreur de dénomination de la personne morale faisant appel ne rend pas nulle la déclaration d’appel
Cass. Civ, 2e, 4 Février 2021, n° 20-10.685
En l’espèce, la société L’Araignée de la roche, propriétaire d’une parcelle sur la commune de Saint-Firmin, a obtenu l’annulation d’un arrêté lui refusant un permis de construire. Elle a, ensuite, assigné la commune auprès de laquelle elle avait acquis cette parcelle, à fin d’obtenir l’annulation de la vente. Cela lui a été refusé. Un appel de ce jugement a été relevé par une déclaration d’appel formée au nom de la société L’Araignée sous la roche. Le conseiller de la mise en état a dit nulle la déclaration d’appel et irrecevables les conclusions déposées par la « SCI L’Araignée sous la Roche » et non « L’Araignée de la roche ». Il relève qu’elle n’avait pas la capacité d’ester en justice puisqu’elle n’avait pas d’existence juridique et que l’inexistence d’une personne morale qui agit en justice n’est pas une irrégularité susceptible d’être couverte. La cour de cassation casse cette décision au motif qu’il s’agissait, en réalité, d’une erreur de dénomination de la société qui constituait un vice de forme, lequel ne pouvait entraîner la nullité de la déclaration d’appel que sur justification d’un grief.
Droit civil
Inexistence de la créance du partenaire de PACS qui a remboursé des sommes dues par les deux membres du couple
Cass, Civ, 1ere, 27 Janvier 2021, n° 19-26.140
En l’espèce, un couple a acquis en indivision un bien immobilier destiné à leur résidence principale. Ils ont souscrit le même jour deux prêts immobiliers destinés à financer cette acquisition. Une vingtaine de jours après, ils ont conclu un pacte civil de solidarité, qui a été dissout 5 ans après. La femme a assigné son ex-conjoint devant le juge aux affaires familiales afin que soit ordonné le partage judiciaire de l’indivision existant entre eux. L’homme a demandé en appel à ce qu’une créance soit constatée à son profit au motif qu’il avait seul remboursé les sommes dues tant par lui que par sa concubine, pour la période couverte par le pacte civil de solidarité. La Cour de cassation rappelle qu’aux termes de l’article 515-4, alinéa 1, du code civil, dans sa rédaction issue d’une loi de 2006 (applicable à l’espèce), les partenaires de PACS s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et une assistance réciproques. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est proportionnelle à leurs facultés respectives. La Haute juridiction affirme que la cour d’appel a souverainement estimé que les paiements effectués par Monsieur l’avaient été en proportion de ses facultés contributives et que les règlements relatifs à l’acquisition du bien immobilier opérés par l’homme participaient de l’exécution de l’aide matérielle entre partenaires. Ainsi, elle juge qu’il est exact d’en déduire que l’homme ne pouvait prétendre bénéficier d’une créance.
Droit de la consommation
Validité de la clause conférant à la banque le droit de résilier unilatéralement et sans préavis le contrat valablement exécuté par le consommateur qui fournit de fausses informations à l’appui de sa demande de financement
Cass, Civ. 1re, 20 janv. 2021, n° 18-24.297
En l’espèce, une banque a consenti un prêt immobilier à un couple. Les conditions générales du contrat prévoyaient une exigibilité du prêt par anticipation, sans que le prêteur ait à remplir une formalité judiciaire quelconque, en cas de fourniture de renseignements inexacts sur la situation de l’emprunteur, dès lors que ces renseignements étaient nécessaires à la prise de décision du prêteur. La banque s’est rendue compte que le couple avait produit de faux relevés de compte à l’appui de leur demande de financement. Elle s’est prévalue des conditions générales du contrat pour prononcer la déchéance du terme, puis les a assignés en paiement. La cour d’appel a accueilli la demande de la banque en excluant le caractère abusif de la clause. Elle a en effet considéré que l’article ne privait en rien le couple de recourir à un juge pour contester l’application de la clause à son égard. Elle ajoute que la clause sanctionne la méconnaissance de l’obligation de contracter de bonne foi au moment de la souscription du prêt. La Cour de cassation valide ce raisonnement et affirme que la clause litigieuse, dépourvue d’ambiguïté et donnant au prêteur la possibilité, sous certaines conditions, de résilier le contrat non souscrit de bonne foi, ne créait pas, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Etat d’urgence
Prorogation de l’état d’urgence
Le 9 février 2021, l’Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021. Avant sa publication au Journal officiel, le Conseil constitutionnel a encore l’opportunité de se prononcer sur la constitutionnalité de cette loi.
Droits fondamentaux
Les droits des journalistes ne sont pas absolus
CE. 3 févr. 2021, n°448721
Deux journalistes avaient saisi le Conseil d’État en référé, n’ayant pu accéder librement aux campements de migrants à Dunkerque ou Calais au moment de leur évacuation par les forces de police. Ils estimaient ne pas avoir pu couvrir dans de bonnes conditions ces actes. Le Conseil d’État rejette leur requête estimant que, au vu témoignages et photographies recueillis, des échanges lors de l’audience, les périmètres de sécurité mis en place lors de ces évènements ayant pour but d’assurer “la sécurité des opérations” n’avaient pas eu pour objectif ou conséquence d’empêcher les journalistes de couvrir les faits.
Le traitement PMA et le droit à une assurance maladie
CEDH, 4 févr. 2021, n° 54711/15, Jurcic c/ Croatie
La CEDH a condamné la Croatie pour discrimination envers les femmes enceintes. En effet, cet État a privé du bénéfice de son assurance maladie une femme faisant l’objet d’un traitement de fécondation in vitro. La CEDH critique le fait que l’Etat estimait que la requérante aurait dû s’abstenir de trouver un emploi avant la confirmation de sa grossesse. La Cour européenne reconnait que la requérante a fait l’objet d’une discrimination en raison de son sexe (et de sa grossesse). Elle ajoute qu’elle n’était pas tenue d’informer son employeur qu’elle faisait l’objet d’un traitement FIV, n’étant pas assurée que celui-ci aboutisse. Elle a souligné que le refus d’employer ou de reconnaître à une femme enceinte une prestation liée à l’emploi en raison de sa grossesse constituait une discrimination directe fondée sur le sexe. Ainsi, la différence de traitement dont a fait l’objet la requérante n’était pas objectivement justifiée. Ses droits garantis par la CESDH ont donc été violés.
Droits de la santé
Modification et adoption du projet de loi Bioéthique par le Sénat
Dans la nuit du 3 au 4 février, le Sénat a adopté le projet de loi bioéthique. Toutefois, le texte a été considérablement modifié. La PMA pour les femmes célibataires et les couples de femme a été écartée. Par la même occasion, le sénat interdit que deux filiations maternelles soient établies à l’égard d’un même enfant. Néanmoins, la mère d’intention pourra bel et bien adopter l’enfant. L’infertilité médicale constitue bien une condition d’accès à cette pratique. De même, le sénat interdit l’autoconservation des ovocytes sans motif médical. De plus, la transcription totale de l’acte de naissance ou du jugement d’un enfant né à l’étranger d’une gestation pour autrui (GPA) est interdite. Concernant la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, celle-ci serait subordonnée au consentement du donneur lors de la demande d’accès à l’identité formulée par une personne née de ce don, devenue depuis majeure. Finalement, le texte réintroduit la pratique du « bébé médicament », ou « bébé du double espoir », consistant à sélectionner un embryon immuno-compatible avec un frère ou une sœur aîné(e) malade.
Droit des assurances
BTP : La précision du rôle de l’assureur dans le cadre de la garantie décennale
CE, 4 févr. 2021, n° 441593, Sté Mutuelle d’Assurances du bâtiment et des travaux publics
Si une demande est dirigée contre le constructeur, la prescription à l’encontre de l’assureur du constructeur n’est interrompue que si l’assurance est aussi citée dans l’action. Ainsi, l’assignation doit préciser en quelle qualité l’assureur est mis en cause et indiquer l’identité du constructeur assuré. A contrario, la prescription n’est pas interrompue à l’égard de l’assureur du constructeur sollicité dans une opération d’expertise d’office par le juge ou à la demande d’une partie qui n’est pas celle se prévalant de l’effet interruptif de l’action. Dès lors, si l’assureur n’intervient dans l’instance que dans le cadre d’une expertise et non en tant que partie, la prescription décennale continue de courir.
Rédaction : P. BRANDY & J. COTTIN